La
France contre l'Empire
Pendant quarante ans (1519-1559) une longue lutte, seulement coupée de
trêves (15291536; 1538-1542; 1555-1556) va opposer pour l'essentiel la
France à l'Empire. Dans une certaine mesure cette opposition continue celle
qui s'était exprimée pendant les guerres d'Italie. Mais d'autres facteurs
sont entrés en jeu : la rivalité personnelle entre François le' et Charles
Quint, éclatante lors de l'élection impériale de 1519, dans laquelle
intervint parfois Henri VIII; la nostalgie de la Bourgogne pour Charles
Quint; surtout peut-être les occasions que donnent à la France la Réforme,
qui divise l'Allemagne, et la poussée turque.
a) La première phase (1519-1529). est très favorable à l'Empereur. Après le
« tournoi diplomatique » de 1520 (Camp du Drap d'Or, entrevue de Gravelines)
qui a comme enjeu l'alliance anglaise et dont Charles Quint sort vainqueur,
gagnant ensuite le pape à sa cause, les hostilités sont déclenchées en
Navarre, François I" cherchant à profiter de la crise intérieure de
l'Espagne (Comunidades et Germanias) : l'occupation française en Navarre
provoque une violente réaction espagnole et très vite l'Italie du Nord
redevient le théâtre essentiel de la lutte. Les Impériaux occupent Milan où
François II Sforza est proclamé duc. Trois tentatives de François I°' pour
récupérer le Milanais échouent successivement (1522; 1522-1523; 1525), la
dernière se terminant par le désastre de Pavie (25 février 1525) : François
I°" est prisonnier de l'Empereur. Celui-ci pousse un peu trop loin ses
avantages en obligeant le roi captif à signer le traité de Madrid (13
janvier 1526), ce qui a pour effet de détacher l'Angleterre et le pape de
l'alliance impériale. A Madrid, en effet, Charles avait exigé le Milanais et
la Bourgogne, l'abandon de la suzeraineté française sur l'Artois et la
Flandre. Sa puissance devenait excessive : ainsi s'explique la conclusion
rapide, en mai 1526, de la ligue de Cognac où Venise et le pape se rangent
aux côtés de la France tandis que les Turcs, donnant l'assaut à la Hongrie,
réalisent une diversion fort opportune.
Mais la France était hors d'état de reconstituer immédiatement une force
armée réelle et le pape Clément VII signa une trêve avec l'Empereur. Trop
tard! Les lansquenets allemands de l'armée impériale (majorité de
luthériens!), mécontents de n'être pas payés, déclenchèrent un raid sur Rome
que leurs chefs (et notamment le Connétable de Bourbon passé à l'Empereur)
ne purent empêcher : c'est le fameux sac de Rome
Les grands
conflits
(mai 1527), coup
de tonnera e sur la chrétienté, pour certains châtiment des turpitudes de
l'Église romaine, pour d'autres grave atteinte au prestige de l'Empereur.
Une armée
française, commandée par Lautrec, put alors être lancée en Italie, aller
jusqu'à Naples. Puis Gênes passa à l'Espagne et le rapport de forces changea
une nouvelle fois. Mais les progrès de la Réforme, la menace turque, ne
rendaient pas confortable la position de Charles Quint. Ainsi on put
s'acheminer vers la paix de Cambrai conclue le 3 août 1529 : la France
renonçait au Milanais et payait une rançon de deux millions d'écus d'or pour
les enfants du roi qui remplaçaient comme otages leur père à Madrid, mais la
Bourgogne était conservée. L'Espagne affirmait sa domination en Italie.
b) La deuxième
phase est courte. Elle se réduit à une passe d'armes qui a une nouvelle fois
le Milanais pour origine, François Ier ayant demandé le duché pour son fils
après la mort de François Sforza en octobre 1535 et ayant essayé de forcer
le destin en occupant les états du duc de Savoie (février 1536). La réplique
impériale fut l'invasion de la Provence et celle de la Picardie en
1536‑1537. Cette fois le pape Paul III intervint comme arbitre et provoqua
la trêve de Nice (18 juin 1538) conclue pour dix ans, raffermie par
l'entrevue d'Aigues‑Mortes. Mais l'accord ne dura pas.
c) La troisième
phase devait être longue, difficile, marquée pour les deux adversaires par
des alternances de succès et de revers. Depuis 1531 et la formation de la
ligue de Smalkalde, la Réforme ne cessait de progresser en Allemagne :
l'Électeur de Brandebourg et le duc de Saxe passèrent au luthéranisme en
1535 et 1539. Charles Quint considérait volontiers que la diplomatie
française (plusieurs missions des frères Du Bellay) était largement
responsable de cette situation quoique, au moins dans le début des années
30, cette diplomatie eût surtout visé à l'union des Églises à laquelle
Charles Quint lui‑même travaillait. Mais il est bien vrai que l'action du
roi de France concurrençait celle de l'Empereur, inquiet, d'autre part, des
négociations françaises avec les Ottomans. Lorsque Charles se décida à
donner l'investiture du duché de Milan à son fils Philippe (octobre 1540),
il supprima une des dernières chances de paix.
La guerre éclata
sur un prétexte assez mince en juillet 1542. Un premier succès français en
Piémont (Cerisoles, 1544) fut compensé par des succès impériaux dans le Nord
d'autant que Charles avait obtenu l'alliance anglaise. L'avance de Charles
en Champagne au cours de l'été 1544 fut si dangereuse que François le'
conclut la paix de Crépy où il promettait de rendre la Savoie, de travailler
à l'unité religieuse et de rompre avec les Turcs contre des promesses
concernant son dernier fils, le duc d'Orléans qui se hâta de mourir. Il
fallut ensuite après avoir traité avec Henri VIII à Ardres (juin 1546)
racheter Boulogne occupé par les Anglais pour 400 000 écus.
L'Empereur mit à profit le répit français pour tenter d'écraser la force
militaire des luthériens. Ayant fait mettre au ban de l'Empire, lors de la
diète de Ratisbonne de juin 1546, le duc de Saxe et le landgrave de Hesse
parce qu'ils avaient dépouillé le duc de Brunswick de ses États, il réussit
à obtenir l'appui de certains princes luthériens, tel Maurice de Saxe. L'Empereur
écrasa l'armée protestante à Muhlberg (24 avril 1547), récompensa Maurice de
Saxe
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